La stratégie de Microsoft pour développer Mixer face à Twitch
Nous avons souvent parlé de Twitch en tant que plateforme de live streaming leader en occident, et potentiellement dans le monde (il est difficile de trouver des données exploitables pour les plateformes chinoises, comme par exemple Inke ou DouYu). Sur le marché, la position de Challenger revient à YouTube, bien que loin derrière Twitch, avec « seulement » 735 millions d’heures visionnées en direct contre 2,720 milliards d’heures pour Twitch. (source)
Mais il existe un autre acteur, actif depuis bientôt 4 ans, qui commence à faire beaucoup parler de lui. Il s’agit de Mixer, racheté 6 mois après sa mise en service par Microsoft, qui tente ainsi de se faire une place sur le marché du Live Stream. Et si Mixer fait parler de lui, c’est principalement pour avoir réussi à sceller des accords avec des streamers historiquement liés à Twitch ayant des millions de followers : Ninja, Shroud et KingGothalion, qui avaient respectivement 14, 7 et 1 million de followers sur Twitch, Ninja particulièrement était le streamer ayant la plus large communauté sur la plateforme.
On peut ainsi facilement s’imaginer que Mixer, fort de tels talents, allait aisément acquérir des parts de marché, et pourtant, c’est presque l’inverse qui s’est produit. En Q1 2019, Mixer atteignait les 89,4 millions d’heures visionnées, contre 119,1 millions en Q2 puis finalement 90,2 en Q3, alors que Ninja a rejoint cette écurie le 1er août, puis Shroud et KingGothalion fin octobre. Des rumeurs font état d’autres transferts à venir dans le futur, alors que l’audience de Mixer ne semble pas décoller. (source)
La question peut maintenant être posée : pourquoi Microsoft continue d’investir autant dans une plateforme qui ne semble que peu intéresser les consommateurs ?
Mixer, tout comme Twitch, repose sur la présence de deux types d’acteurs qui se bénéficient mutuellement : les streamers, et les viewers. Plus de streamers = plus de viewers et vice-versa. En toute logique, il est de l’intérêt de Microsoft d’encourager la venue de nouveaux spectateurs ou de convertir ceux consommant d’autres plateformes, afin de monétiser encore plus son audience.
En réalité, la venue de Ninja a eu un effet assez inattendu : ce sont les streamers qui ont répondu à l’appel, avec une augmentation de 171,67% d’heures streamées entre le Q2 et le Q3 sur Mixer.
Alors tout cela est bien intéressant, mais si ces heures ne sont pas visionnées, encore une fois, quel est l’intérêt ? Patience, nous y arrivons. Car il va y avoir une différence majeure entre Twitch/Amazon et Mixer/Microsoft dans l’année à venir : la sortie d’une console de jeu vidéo.
En effet, Microsoft est potentiellement en train d’initier une tendance, ils ne peuvent pas payer les viewers pour aller sur leur plateforme, mais ils peuvent payer des streamers, et quitte à le faire, autant marquer de grands coups. D’ailleurs, le CEO de StreamElements, une entreprise qui analyse les données des plateformes de streaming, Doron Nir, a déclaré suite à l’annonce du partenariat entre Ninja et Mixer :
« Quelque chose à noter à propos de la signature de Ninja chez Mixer, au-delà du nombre d’heures visionnées, c’était une action intéressante pour promouvoir la marque Mixer, notamment avec Ninja qui a réalisé de nombreuses interviews à ce propos ».
Ces partenariats, sur le court terme, permettent donc de mettre en avant la marque Mixer, qui devient plus présente dans l’esprit des consommateurs, mais sur le long terme Microsoft va certainement intégrer Mixer dans sa stratégie et exploiter les nombreuses synergies qui existeront entre la nouvelle Xbox, Mixer, mais également Windows. Quant aux nouveaux streamers, ils permettent de proposer une plateforme plus complète et plus active. Et dans cette optique, la question des revenus de la plateforme se pose moins.
En effet, Windows et Xbox n’ont plus rien à prouver, mais ce n’est pas encore le cas de Mixer, et il est possible que ce service ne soit pas rentable avant plusieurs années à cause de tels investissements, MAIS, Microsoft peut se le permettre, et finalement, ce n’est pas nécessairement le but.
Imaginez rejoindre d’un clic la partie de Ninja, acheter d’une pression de bouton le jeu exclusif Microsoft Studio auquel Shroud joue en avant-première, que KingGothalion lance un live sur le tout dernier jeu ayant rejoint l’offre Xbox Games Pass, ou que vous vous lanciez vous-même de façon extrêmement simple dans le livestream ? Avec Mixer, et la nouvelle génération de consoles, il est bien possible que cela devienne le cas.
Et alors, peu importe que Mixer soit rentable, tant que le consommateur reste dans l’écosystème Microsoft, car Mixer apportera une autre valeur, une valeur d’expérience consommateur cette fois. Mieux, cette valeur sera improductible par Twitch qui ne possède pas un tel écosystème (ou du moins, un écosystème actuellement trop différent).
Pour faire un parallèle simple qui existe déjà : Ikea et ses restaurants. Ikea n’entend pas concurrencer les acteurs du marché de la restauration avec cette activité, ils n’ont pas une excellente réputation gastronomique, sont mal placés dans des zones commerciales (puisqu’ils sont dans les magasins Ikea) mais ils sont pratiques. Ils permettent de retenir le consommateur dans le magasin qui y reste ainsi plus longtemps, et accessoirement, y dépense plus.
Ainsi, il est probable que pour l’instant, et pour les prochaines années, Microsoft n’entende pas concurrencer de front Twitch, mais plutôt consolider son offre gaming (plusieurs consoles nouvelle génération, offre mensuelle compétitive, système d’exploitation qui domine le marché) et qu’il lie le tout avec Mixer. Créer des partenariats a permis de faire connaitre la marque et de s’assurer qu’il y avait assez de streamers pour que la plateforme soit active. C’est maintenant à Microsoft de renforcer et de lier son offre pour que tout cela n’ait pas été en vain.
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